Jazz Hot (fr)

Phil Abraham Surprises

Lyrae tente un one shot avec deux CDs représentatifs des facettes du tromboniste-chanteur louviérois. Et pourquoi pas puisque le but est sans doute de nous offrir le Phil d'Ariane qui nous conduit à travers la personnalité d'un fils d'Abraham totalement libéré des galères de deux O.N.J. On découvre avec “Surprises” la tendresse (“Tant Pis”) et l'humour (“Looking Up”) du compositeur et de l'interprète. L'artiste préfère les courbes aux lignes brisées. les pastels aux rouges vifs. Jay Jay Johnson à Ray Anderson, Chet Baker à Mick Jagger. Tendre et sensible.

Phil Abraham rend hommage à trois coeurs débordants d'amour : Toots, Blossom Dearie et Michel Petrucciani. A l'image de Chet, il s'affiche le plus souvent coolman, mais, comme son idole, il sait s'animer d'un swing intense (“C'était Rome”). Pour en rendre compte, écoutez encore ce “ Tea for Two ” d'enfer avec un bassiste incroyablement présent dans le tempo et un solo hyper-inventif du chanteur qui ressuscite un saucisson qui commençait à sentir le moisi. Phil ose même reprendre “Tutu”: le dernier tube de l'immortel Miles, croisant la note non seulement avec l'excellent guitariste toulousain, mais aussi avec l'étonnant Bas Cooijmans (b).

Cet opus va bien plus loin que le précédent enregistré en trio (Lyrae 5 413853 201183) car, si l'on retrouve la parfaite entente du leader avec Frédéric Favarel (“La Fin des Géraniums”), on s'étonne bien plus de la manière dont Sébastiaan Cooijmans est parvenu à intégrer cette doublette, allant jusqu'à tirer ces mordus des belles harmonies vers quelques surprises mingusiennes (“Nothing Personal”). Avec “Pour Toulli ”, le tromboniste fait en deux minutes la démonstration de sa maîtrise de tous les registres de l'instrument, sur l'embouchure comme dans le pavillon. Pour la mise en place du quartet, écoutez “C'était Rome” et "Nothing Personal” de Grolnick; pour le growl, “For My Lady”. On peut, je pense, préférer le tromboniste au chanteur. Le premier s'affiche plus nuancé, plus fin, plus touchant (“Chanson”), alors que le chanteur ne s'exprime que par onomatopées avec une phraséologie un peu courte en vocabulaire (di-li-di-li, di-li, tri-li-li) (“Chan's Song”).

Pourquoi ne pas mettre quelques paroles sur les compositions ? Hancock n'a-t-il pas été fasciné par Chan Parker? Guy Cabay aurait pu imaginer quelques strophes en wallon “ Pour Toulli ”. N'en déplaise à quelques fêlés du tout à l'égoût, Surprises est jusqu'aujourd'hui la plus belle signature du musicien Phil Abraham.